Depuis le début du confinement à la Réunion, toute l’équipe d’Eglise 2.0, le mouvement des jeunes du diocèse, propose en partenariat avec la chaîne Réunion la 1ère, la messe à la télévision et sur les réseaux sociaux. Le père Sébastien Vaast, prêtre et accompagnateur de l’Eglise 2.0 nous raconte cette extraordinaire aventure technique et humaine.

Comment est né le projet d’une messe télévisée et connectée pendant la période de confinement ?

Comme une surprise ! Un voyage de formation en métropole avec une douzaine de jeunes de l'Église 2.0* venait d'être annulé. On trouvait ça dommage, de rester là, comme ça… et puis l'idée a surgi : proposer la messe du dimanche en direct aux responsables des chaînes locales. C'était le 16 mars. Ce jour-là, avec Gora Patel, le directeur régional de Réunion la 1ère, nous nous sommes parlés de nombreuses fois au téléphone. Et c'est ainsi que s'est mis en place le partenariat avec Réunion la 1ère, pour une diffusion en direct de quatre messes à compter du 22 mars. La messe du dimanche de Pâques, célébrée par Mgr Gilbert Aubry, devait être la dernière. Il était convenu que Réunion la 1ère s’occupe des moyens techniques, caméras, techniciens, etc. pour la diffusion du direct. De notre côté, nous apportions le lieu – la chapelle de Sainte-Marie Église 2.0– et l'équipe d’animation pour préparer et célébrer la messe. À ce moment-là, personne ne se doutait qu’Emmanuel Macron allait annoncer un confinement strict de la population au 17 mars. C’est comme ça que l’aventure a démarré.

Comment s’effectue la préparation de la messe avec les jeunes, les prêtres et toutes les équipes techniques ?

Confinement oblige, tout se fait en télétravail, et en amont. Une vingtaine de jeunes qui font partie de l’équipe centrale de Église 2.0 sont impliqués et se relaient. Chaque lundi, je crée un groupe sur les réseaux sociaux, pour former l'équipe qui va travailler cette semaine-là : deux lecteurs, deux chanteurs, un musicien, un servant de messe et un technicien. Les lecteurs préparent aussi la prière universelle et les annonces ; les musiciens et choristes proposent les chants et les répètent.

Pour les prêtres qui célèbrent, la principale contrainte, c'est celle de la durée : nous avons un créneau d’antenne de 60 minutes, aussi la messe ne doit pas se prolonger au-delà de 1 heure. Pas question de consacrer plus de six-sept minutes à l'homélie ! Ils doivent se chronométrer et veiller à tenir le timing. Le vendredi, nous faisons une répétition et nous ajustons la longueur des chants s'il le faut pour être bien certains de ne pas dépasser la durée imposée.

Une fois le déroulé de la messe finalisé, tout est envoyé au réalisateur de Réunion la 1ère, Patrick Hoarau. C’est lui qui choisira les images à diffuser pendant la messe. Il est très à l'écoute des suggestions que je peux lui faire avant la célébration. Par exemple, pour Pâques, j’avais attiré son attention sur le cierge pascal, dont la symbolique est très importante pour les catholiques. Il s'en est souvenu et a fait de très belles images pour les téléspectateurs.

Une messe à la télévision est très différente d’une célébration en paroisse, à quelles difficultés avez-vous du faire face ?

Une messe télé est très codifiée, il faut respecter les déplacements pour la lumière, regarder le plus souvent possible la caméra et il y a le stress du chronomètre qui tourne. On est beaucoup moins libre dans les gestes et les paroles ! Et il faut s’habituer au gros spot lumineux qui nous éclaire, à la limite nous aveugle…Au début, cela n’était pas évident. Maintenant, on arrive à mieux gérer le temps. Yannick, un jeune de Église 2.0, me fait signe quand il reste cinq minutes de messe. C’est mon point de repère à moi.

Le plus difficile reste de célébrer dans une église sans assemblée, à part les lecteurs. On est décontenancés, même si on sait que derrière la caméra il y a des téléspectateurs qui nous regardent.

Jusqu’à présent, nous n’avons jamais rencontré de gros soucis, ni de problèmes techniques. Les équipes ont toujours un plan B, pour permettre aux téléspectateurs de bien vivre la messe.

Quelles précautions particulières avez-vous du prendre pour ces célébrations ?

Un protocole sanitaire strict est appliqué avec une prise de température obligatoire à l'arrivée de chaque personne, l'utilisation de gel hydroalcoolique à l'entrée et à la sortie de la chapelle. La distanciation sociale est mise en place entre les techniciens, les chanteurs… Tous les techniciens de Réunion la 1ère portent un masque. Et des affiches sur les gestes barrières sont collées sur les portes, à l'entrée de la chapelle.

La messe Église 2.0 est également proposée en langue des signes, comment cela s’est mis en place?

C'est une demande qui est arrivée par les réseaux sociaux, quand on a annoncé la première messe. J'avais déjà rencontré Colombine de la Pastorale des personnes déficients sensoriels à la Réunion ; la collaboration s'est vite mise en place et deux personnes se sont relayées, un dimanche sur deux. Je leur envoie tout le déroulé de la messe, textes et chants pour qu’elles puissent travailler en amont. C’est un vrai challenge pour elles, car elles sont debout pendant une heure devant une caméra latérale, à traduire la messe pour les malentendants.

Comment avez-vous pu fleurir la chapelle alors que tous les commerces et les fleuristes sont fermés ?

Pendant le carême, la question ne s'est pas posée, la sobriété étant de rigueur. Pour Pâques, qui devait être la dernière messe, on s'est débrouillés… Pour la messe du 19 avril, on se demandait comment faire… mais il a suffi d'un texto envoyé à quelques paroissiens et la chapelle a pu être abondamment fleurie. Depuis, des fleuristes se sont proposées pour nous donner des fleurs chaque dimanche, pour la plus grande joie de la jeune décoratrice de la chapelle. C’est le divine Providence qui est intervenue !

Les messes ont été extrêmement suivies à la télévision et sur les réseaux sociaux, comment expliquez-vous un tel succès ?

Étant donné la proportion de catholiques à La Réunion et leur attachement à la messe, surtout en temps de carême et à Pâques, nous n'étions pas inquiets ! Cela répondait vraiment à un besoin. Je me souviens avoir dit à Gora Patel, lors d'un de nos premiers entretiens téléphoniques : « Vous allez voir que la courbe des audiences de votre antenne va grimper plus vite que celle du coronavirus ! »

Mais quand nous avons vu l'audience, estimée entre 100 000 et 200 000 téléspectateurs, et les centaines de messages en retour chaque dimanche, nous avons tous été bluffés ! Et cette audience augmente semaine après semaine. Le Facebook de la chaîne retient près de 20 000 internautes. En voyant ces résultats et l’impact auprès du public, Réunion la 1ère a souhaité continuer de diffuser la messe pendant toute la durée du confinement, cela correspondant pleinement en outre à la mission de service public de la chaîne. C’est génial, quand on pense qu'au début, il avait été question de retransmettre uniquement 4 messes…

La messe de Église 2.0 donne, à mon avis, une bouffée d’oxygène aux fidèles dans ce contexte de confinement. Quand on a peur de l’avenir, quand il y a des angoisses, on se tourne vers Dieu. Le fait que ce soient des jeunes qui animent la messe est certainement aussi un point positif.

Quels sont les retours que vous avez eu des téléspectateurs ?

De très nombreux retours, qui sont très positifs. Un éboueur par exemple m’a interpellé dans la rue, me confiant qu’il ne pratiquait plus, mais que maintenant, tous les dimanches, il suit la messe avec sa femme devant leur télévision, et qu'une fois le confinement terminé, ils iront ensemble à l’Église... Ou encore ce message, reçu via Messenger, d’un jeune Haïtien de 23 ans, qui vit en République Dominicaine : « L’Église 2.0 est une belle initiative que j’encourage. Je suis en cheminement. Ça me fait plaisir de voir tant de jeunes qui s’investissent vraiment dans cette mission et ça m’aide aussi comme jeune à me donner davantage au service de l’Église. Ce qui me touche vraiment, c’est de voir les jeunes qui participent... Ils donnent leurs talents pour Dieu et pour servir l’Église. Ça, c’est une richesse. Nous avons besoin des jeunes, comme ces jeunes Réunionnais, dans toute notre Église universelle. »

Est-ce que la messe d’Église 2.0 est diffusée hors de La Réunion ?

Nous savons qu’elle est très suivie à l'île Maurice, où l'on vit aussi le confinement. Là-bas, les téléspectateurs ont accès aux programmes réunionnais déjà en temps « normal ». C'était donc naturel pour ceux d'entre eux qui sont catholiques, de se tourner vers la messe d'Église 2.0. Et c’est comme ça que tous les dimanches matin, les Mauriciens catholiques sont en union de prière avec nous.

Une chaine d’origine seychelloise, Zil TV, a aussi montré de l'intérêt pour la messe de Église 2.0 et va reprendre le signal de Réunion la 1ère. Et puis de nombreuses personnes suivent la messe depuis la France, la Polynésie Française, le Tchad, la République Démocratique du Congo, etc. via les différentes page Facebook comme celles de Dieu m’est témoin !

Est-ce que vous pensez continuer après le déconfinement ?

Pourquoi pas continuer l’aventure... mais cela ne dépend pas de moi. Il faut rester ouvert au souffle de l’Esprit Saint !

Entretien réalisé par Valérie LUSANG

*Le projet Eglise 2.0 a été lancé en février 2018 par l’évêque Monseigneur Gilbert Aubry, dans la continuité du synode des jeunes d'octobre 2018 voulu par le Pape François. Il s'est concrétisé par la rénovation et la mise à disposition de la chapelle Notre-Dame-de -la-Salette à Sainte-Marie, en contre-bas de l’église paroissiale. La Chapelle a été inaugurée pour les Rameaux 2019. Bien plus qu'une chapelle high tech pour les jeunes, c’est avant tout une pastorale fondée sur la convivialité, la louange, les célébrations, l'accompagnement spirituel, la solidarité et la formation.