Qu’est-ce que l’inculturation ? La culture peut-elle s’intégrer dans la religion, et par quels moyens ? Comment les rituels religieux et les pratiques culturelles cohabitent-ils ?

Cette semaine, Dieu m’est témoin poursuit ses observations sur les pratiques religieuses des Outre-mer. Aujourd’hui, nous nous dirigeons vers le Pacifique. Marie Lesure-Vandamme reçoit sur le plateau la pasteur polynésienne Âmona Vahiné Mana et Gilles Vidal, maître de conférences en histoire du christianisme à l’Institut protestant de théologie de Montpellier. Tous deux nous expliquent comment est apparue chez les protestants de l’église Māòhi une nouvelle théologie : une théologie en mouvement, qui s’est adaptée au contexte culturel local. Pour illustrer cette inculturation, nous allons en Polynésie Française, à la paroisse de Punaauia à Tahiti, voir comment le taro et l’eau de coco ont remplacé le pain et le vin lors de la célébration de la cène.

Qu’est-ce que l’inculturation?

Gilles Vidal, historien, explique que l’inculturation est un terme qui vient de la théologie et qui signifie « faire entrer la culture dans la religion ». C’est donc bien l’inverse de l’acculturation. L’inculturation serait légitimée, théologiquement, par la doctrine de l’incarnation. En effet, puisque Dieu s’est fait homme en Jésus, il s’est incarné dans une culture spécifique, dans laquelle on peut trouver des éléments du divin.

Pour les protestants, on parle davantage de « contextualisation ». Ainsi, il s’agit de prendre en considération l’ensemble du contexte culturel, soit la société dans laquelle on vit, et de l’articuler ensuite avec la foi.

Comment expliquer le mariage réussi entre culture et religion en Polynésie?

Vidal continue à nous expliquer que deux périodes se distingue dans l’histoire de la christianisation en Polynésie :

  • De la fin du 18e siècle aux années 1960, c’est l’époque de la théologie missionnaire, venant d’Europe, qui est importée dans les territoires d’Outre-mer. Il s’agissait, alors, de trouver dans la culture locale, des points d’accroche avec la Bible. Par exemple, les missionnaires trouvaient dans des récits traditionnels locaux une ressemblance avec les récits bibliques.
  • À partir des années 1960, en parallèle des mouvements politiques indépendantistes émergent un mouvement d’autonomisation des églises protestantes en Polynésie, qui souhaitent s’affranchir des missionnaires occidentaux. Toute une nouvelle génération de pasteurs et de professeurs de théologie va alors valoriser la culture océanienne et lui faire une place importante dans la religion.

L’inculturation océanienne

Chez les protestants de l’église Māòhi, la culture locale est prégnante. Chaque église est fière de son identité et la revendique. En exposant les habits traditionnels, la langue, les instruments de musique (ukulele) mais aussi les chants māòhis, les paroissiens expriment très explicitement une théologie de la célébration et honorent le cadeau que Dieu leur a fait en leur donnant cette identité culturelle māòhie.

Un autre exemple qui nous est montré est le remplacement du vin et du pain par l’eau de coco et le taro (ou manioc). Pour les croyants, ce sont des produits de la terre nourricière (locale) et cela entre en résonance avec les fondements bibliques.

Pour les catholiques, il est plus important de maintenir l’unité dans la célébration de l’eucharistie et donc de garder une fidélité matérielle au pain et au vin. Ceci permettrait de rendre mémoire au Christ.

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